Parce que l’Ukraine est du côté du droit et de la morale, l’analyse occidentale en conclut qu’elle « peut et doit » gagner. Mais refuser le défaitisme ne doit pas occulter les risques, bien réels, de défaite.
Jamais une guerre n’aura été analysée avec autant d’affects que celle qui frappe l’Ukraine depuis le 24 février 2022. Non pas au sens du déchaînement des passions généré par le conflit entre Israël et Gaza, mais d’une propension à prendre ses désirs pour la réalité, « wishful thinking » dans la langue de Shakespeare.
La condamnation d’une guerre d’agression responsable de nombreux crimes de guerre est quasi unanime en Europe. Mais précisément parce que Kiev est du côté du droit et de la morale, la pensée magique privilégie le poids de la vertu sur le rapport de force. Elle en conclut que l’Ukraine « peut et doit » gagner et que la Russie, son armée et son régime vont s’effondrer, le pays réduit à la Moscovie.
Voeux pieux
Les voeux pieux ont été nombreux depuis le début du conflit, à commencer par l’évocation des divers cancers en phase terminale qui allaient emporter Poutine. On citera également la mutinerie d’Ilya Prigogine , qui n’a pas signé la fin du président russe ni n’été le prélude à une révolution de palais, mais qui lui a permis au contraire de resserrer les rangs. Vladimir Poutine est depuis lors conforté par sa réélection à un cinquième mandat. Le jour venu, malgré l’inculpation par la Cour pénale internationale (CPI) et au nom du principe de réalité, c’est avec l’ennemi qu’il faudra négocier.
hamp de bataille
C’est la situation sur le champ de bataille qui sera l’arbitre du conflit avant l’ouverture probable de négociations. Tout comme le Kremlin avait sous-estimé le courage de Volodymyr Zelensky et la capacité de résistance des Ukrainiens, ces derniers ont tourné en dérision l’armée ennemie incompétente constituée de va-nu-pieds et ont pensé rééditer la contre-offensive éclair victorieuse du printemps 2023. Par excès de confiance, ils l’ont annoncée par un clip de soldats prêts au combat le doigt sur la bouche.
Personne n’a prêté attention à la ligne imprenable de défense érigée par le général déchu Sergueï Sourovikine. La prise du petit village de Robotyne au début de la contre-offensive de l’été 2024 a été un exemple emblématique de pensée magique. Au lieu de permettre la percée promise vers la mer d’Azov, cette localité a été reconquise par les Russes. Ces derniers ont ensuite lancé leur propre offensive, acculant l’armée ukrainienne en manque d’hommes et de munitions à se mettre en défensive sur les conseils du Pentagone.
